ARENH : pourquoi EDF ne vend pas plus d’électricité au tarif réglementé ?

07.10.2021 | Le mécanisme de l’ARENH a permis l’émergence d’une concurrence sur le marché de l’électricité, longtemps sous l’emprise complète d’EDF. De nombreux petits fournisseurs sont ainsi apparus, proposant de l’énergie verte, parfois même locale, souvent à des prix compétitifs. Mais avec la forte hausse des prix de l’énergie et la décision du gouvernement de geler les tarifs pour les consommateurs, les fournisseurs réclament des transformations dans le système de l’ARENH pour pouvoir faire face aux coûts. Transformations auxquelles EDF s’oppose.

Comprendre l’ARENH

Tout d’abord, il est important de comprendre le fonctionnement du mécanisme de l’ARENH.
Depuis 2011, tous les fournisseurs d’électricité dit alternatifs (c’est-à-dire autre que EDF) d’acheter auprès d’EDF de l’électricité à prix coûtant, donc sans bénéfice pour ce dernier. Le prix de cette électricité est déterminé par les pouvoirs publics et s’est stabilisé depuis quelques années à 42€ le mégawatt heure.

Notons que les fournisseurs alternatifs ne peuvent pas acheter que de l’électricité au prix réglementé, car un volume maximum de TWh disponible à ce prix est également déterminé par le gouvernement. Volume que les petits fournisseurs doivent se partager entre eux et compléter par l’achat d’électricité au prix du marché si nécessaire.

Pourquoi l’ARENH existe-t-il ?
Le parc nucléaire français étant entièrement exploité par EDF, ce dernier avait la main mise sur le marché de l’électricité et les prix de revente de l’énergie. Afin de permettre l’apparition d’une concurrence sérieuse, le mécanisme de l’ARENH a été mis en place. De cette façon, les fournisseurs alternatifs pouvaient obtenir de l’électricité à revendre à leurs clients sans qu’EDF ne réalise de bénéfices.
L’objectif était de faire perdre des parts de marché à EDF et que les petits fournisseurs puissent jouer à armes égales avec le fournisseur historique.

Bien qu’artificiellement créée, la concurrence a grandi ces dernières années jusqu’à compter désormais presque 80 fournisseurs alternatifs. Les plafonds de l’ARENH étant toujours fixés à 42€ le MWh pour un volume total de 100 TWh, la part d’ARENH de chaque petit fournisseur ne fait que diminuer à mesure que de nouveaux concurrents voient le jour.

Les enjeux d’une réorganisation du mécanisme

Pourquoi le mécanisme d’ARENH devrait être réorganisé maintenant ?
Plusieurs raisons poussent les petits fournisseurs à demander une élévation des plafonds de l’ARENH :

  • La part d’ARENH des fournisseurs alternatifs se réduit d’autant qu’il y a de concurrence. En passant le plafond de 100 TWh par an à 150 TWh par an, chaque fournisseur alternatifs pourrait acheter un plus gros volume d’électricité à prix réglementé.
  • Le coût de l’énergie nucléaire a explosé depuis cet été, forçant tous les fournisseurs (même les plus petits) à acheter une énergie très chère. Un coût qui pèsera lourd sur certains d’entre eux.

Cependant, EDF s’oppose à ces changements sans compensations. En effet, cette concurrence favorisée par le mécanisme des tarifs réglementés est à son désavantage. Ainsi, l’énergéticien historique de la France réclame que le prix de l’ARENH soit augmenté, passant de 42€ à 48€ le MWh, au moins. La principale raison invoquée est que le coût de production de l’énergie nucléaire a augmenté à cause de l’inflation.

Sans compter que certains fournisseurs alternatifs profitent de ce système pour acheter des parts d’ARENH uniquement quand les prix du marché de gros dépassent le tarif réglementé de 42€ par MWh. L’achat de parts n’étant pas obligatoire, tant que le prix de gros est inférieur au tarif fixe, les fournisseurs alternatifs ne se tournent pas vers EDF.
Le mécanisme bride donc le fournisseur historique à hauteur de plusieurs centaines de millions d’euros.

On comprend mieux pourquoi EDF n’est pas en faveur d’une hausse des plafonds sans hausse du tarif.

L’avenir de l’ARENH

La situation du marché de l’énergie ayant rapidement changé ces derniers mois et la concurrence se faisant de plus en plus nombreuse, une réorganisation d’EDF semble aussi nécessaire que des modifications de l’ARENH.

Concernant le mécanisme des prix réglementés, Nicolas de Warren, président de l’UNIDEN (association défendant les intérêts d’entreprises énergivores demandant que le plafond passe à 150 TWh) estime que « Dans l’idéal, il faudrait un système sélectif, qui ne profite qu’à ceux (les fournisseurs) qui en ont vraiment besoin, plutôt que ceux qui ont une attitude spéculative et joue sur le marché de court terme ».

Du côté d’EDF, demande est faite de réhausser le prix de l’ARENH.

Cependant, la décision ne revient pas entièrement au gouvernement français puisque la Commission européenne est impliquée dans le processus. Cette dernière est donc la cause du refus actuel de modifications dans le système de l’ARENH. La Commission européenne ne sera en faveur de changements que lorsqu’une réforme structurelle d’EDF aura été entreprise. Réforme qui a été reportée au prochain quinquennat.

Voilà pourquoi, même en pleine envolée des prix de l’électricité, le mécanisme de l’ARENH se heurte à l’impossibilité d’être modifié, que ce soit en faveur d’EDF ou des fournisseurs alternatifs.

 

Source : La Tribune

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